Montagne
- Christian B.
- 27 janv.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 janv.
Ce soir, je viens de terminer la lecture du second volume du livre « Alpagiste » de Michelle Chatelain ( aux éditions La Fontaine de Siloe ) dans lequel, petite paysanne, elle raconte son enfance entre 7 et 14 ans lorsqu’avec ses frères et sœurs, elle gardait vaches et moutons à l’alpage des Combettes dans les pentes de la montagne du Prarion ( 1.860 m ) dominant la vallée de l’Arve et la ville de Sallanches.

Elle termine par ces lignes :
Que vous dire encore de l’alpage ?
Il existe toujours. Nous y allons « en vacances ».
Ce sont les vaches de monsieur Arthur qui en mangent l’herbe.
Mais souvent en plein hiver ou lorsque le temps me dure
Je ferme les yeux, je le veux très fort…
Et tout me revient : j’ai à nouveau quinze ans, je cours, libre,
Dans les grands espaces, je ris avec le soleil et le vent, je pleure de bonheur,
Je rêve… Je rêve oui, mais ce rêve était et demeure réalité et vérité.

J’y suis d’une petite larme. À l’évocation d’un passé que, certes, je n’ai pas directement connu étant d’une famille bourgeoise et vendéenne donc non paysanne et loin des montagnes mais l’alpage sous le Prarion …
Le Prarion …
À mon tour de fermer les yeux, très fort.

J’ai 16 ans, je suis ce soir dans un chalet lui aussi dans les pentes du Prarion avec un groupe d’adultes auquel ma famille m’a confié pour un séjour de deux semaines de montagne. Hier, j’ai pris le train à la gare de Nantes pour Paris ; à la gare Montparnasse, Bernard m’attendait avec son gros sac à dos et son piolet au long manche en bois, le fer dans un étui en cuir comme ça se faisait alors. Avec lui j’ai pris un autre train pour Le Fayet puis le TMB ( le Tramway du Mont-Blanc ), un funiculaire, qui nous a amenés à Saint-Gervais et de là nous avons suivi une piste pastorale pentue pour parvenir ici.

Je ferme les yeux, aussi fort que Michelle.
Il est 4 heures du matin, nous avons quitté le chalet-refuge de Tré-la-Tête dans la nuit noire et, crampons aux pieds, nous remontons le glacier du même nom. La montagne bruit de sons divers qui me sont inconnus, cascatelle au fond des crevasses, un léger vent chaud souffle et le jour apparaît lentement, très lentement. Nous passons non loin de la cabane des Conscrits puis remontons les raides pentes de neige qui mènent à l’aiguille de la Bérangère ( 3.425 m ). Ce sera mon premier sommet, le premier d’une très très longue série.

J’ai encore les yeux fermés.
Il y a deux jours, au terme d’une longue randonnée au pied des aiguilles de Chamonix, on m’a emmené faire la voie normale de l’aiguille de l’M ( 2.844 m ), une belle classique, 150 mètres d’escalade peu difficile et aujourd’hui, c’est la traversée des Grands Charmoz ( 3.445 m ), une « vraie » course, nettement plus engagée. Peu avant le sommet, l’arrivée du mauvais temps a imposé de redescendre.

Mais je m’ennuie dans ce chalet du Prarion, toutes ces simagrées de balades ou d’escalade ne m’intéressent guère et je me décide à rentrer. Qu’ont pensé les adultes qui avaient accueilli cet adolescent versatile ?

J’ai toujours les yeux fermés.
Je suis redescendu en début de matinée du Prarion à Saint-Gervais et de là au Fayet sous un soleil généreux. J’ai attendu mon train jusqu’à midi pour retourner chez mes parents.

Maintenant, je suis dans le train, à la fenêtre. Là-haut, très haut, des sommets tout blanc scintillent sous le soleil. C’est beau ! C’est très beau ! C’est le coup de foudre !

Il semble qu’en s’élevant au-dessus du séjour des hommes
On y laisse tous les sentiments bas et terrestres,
Et qu’à mesure qu’on approche des régions éthérées,
L’âme contracte quelque chose de leur inaltérable pureté.
Jean-Jacques Rousseau
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Très beau partage, merci.
Bonjour Christian
'' L'ado versatile '' comme tu le dis ! n'est-ce pas un passage obligatoire ou tout au moins nécessaire. et les quelques jours manqués cette première fois ont été bien remplacés par la suite... et ça continue encore. Je te souhaite de pouvoir répondre à cet appel encore longtemps;
Bien amicalement Jean paul
Que cela fait du bien parfois de fermer les yeux et de se remémorer de si jolis souvenirs! En ce qui te concerne, c'était l'appel de la montagne que tu as toujours gardé et que tu gardes encore. C'est vraiment merveilleux d'avoir une passion et de s'y tenir. Bises. Ch
Kikou Xtian, voilà une bien jolie page pleine de sensibilité ! Il te suffit de fermer les yeux pour revoir cet instant où tu as ressenti à 16 ans cette passion pour la montagne qui, depuis, ne t'a plus quitté ! Un bel hommage pour cette grande dame ! GBizhous !
Bonjour Christian,
Voudrais-tu nous faire pleurer. Merveilleux souvenirs... qui ne rajeunissent pas. Bonne fin d'AM. Bisous. Huguette