Le vol retour vers l'hexagone est programmé pour les uns dès la nuit prochaine, pour les autres au petit matin suivant et avant de rejoindre Delhi et l'aéroport Indira Gandhi, cette dernière journée en Inde est consacrée à la visite d'Agra et d'abord au sublime Taj Mahal.
Avant de devenir l'une des merveilles du monde, le Taj Mahal a d'abord été la somptueuse sépulture de Mumtaz-i Mahal, troisième épouse de l'empereur Shāh Jahān, qui, fou d'amour pour sa belle, a fait ériger ce joyau architectural, en son honneur, au XVII° siècle.
Shāh Jahān est le petit-fils d'Akbar, un souverain moghol qui réconcilia les musulmans de Perse, d'Afghanistan, de Turquie et d'Inde avec les hindous du Punjab et les Rajputs. Ombrageux, froid comme la glace, Shāh Jahān était un ambitieux doté d'une volonté inflexible qui, au début de son règne, a fait massacrer tous ses frères et cousins pour asseoir son pouvoir, dont son père, Jahangir, avait voulu l'écarter pour lui avoir désobéi.
Mais Shāh Jahān est aussi un grand amoureux. L'empereur moghol que l'on tient presque pour un demi-dieu est tombé sous le charme de la ravissante Arjumand Banu Begam, la petite-fille d'un immigré perse, de famille noble mais non de sang royal.
Envoûté, Shāh Jahān a fait de celle-ci sa troisième épouse en mai 1612. Elle a 19 ans et lui, un an de plus, il l'a rebaptise Mumtaz-i Mahal, la « Merveille du Palais ».
D'un côté, Shāh Jahān administre son royaume d'une main de fer, de l'autre, il comble de bienfaits, couvre d'attentions sa favorite qui malgré ses grossesses répétées - elle mettra au monde treize enfants en dix-neuf ans - demeure d'une beauté sidérante : à 38 ans, elle en paraît quinze de moins. Et puis, le 17 juin 1631, elle meurt en accouchant de son quatorzième enfant.
Fou de douleur, Shāh Jahān décide d'ériger pour elle un mausolée à l'image de son amour: unique, immense, indépassable.
Pour ce tombeau, Shāh Jahān va faire venir à Agra les plus beaux matériaux : marbre blanc de Jodhpur, cornaline de Bagdad, turquoise du Tibet, malachite de Russie, diamants et onyx d’Asie Centrale, jade de Chine, agates du Yémen, mais aussi or, améthyste, nacre, corail, lapis-lazuli… ruinant partiellement le trésor des Moghols, mais l'écrin fut à la hauteur de ses espérances.
Plus de 20.000 personnes travailleront durant douze ans sous la direction des plus grands maîtres de l’époque dans leur spécialité et il faudra dix ans de travaux supplémentaires pour qu’en 1652 le dôme blanc se dresse vers le ciel. Ce sera le Taj Mahal ( contraction de Mumtaz Mahal = le palais de Muntaz-i Mahal ), au bord de la rivière Yamuna, probablement la tombe la plus célèbre au monde avec les pyramides de Gizeh.
Shāh Jahān avait prévu une réplique du Taj en marbre noir pour lui même, mais c’était compter sans son fou de fils, Aurangzeb, qui après avoir fait tuer ses trois frères, fit emprisonner Shāh Jahān durant huit ans au Fort Rouge d’Agra, jusqu’à sa mort en 1666.
Finalement Shāh Jahān sera enterré à côté de son épouse, Mumtaz-i Mahal, dans le Taj Mahal et son cénotaphe représente le seul point d’asymétrie du bâtiment qui est justement un parfait modèle de symétrie.
Une splendeur architecturale, dont le poète Rabindranath Tagore disait qu'il est « une larme solitaire posée sur la joue du temps » ( ce texte est pour partie inspiré d'un article paru dans L'Express en juillet 2016 ).
C'est cette image de l'Amour au delà de la Mort et de la Séparation que j'emporte avec moi ...
° Les photos à l'intérieur du Taj Mahal sont interdites et même si j'ai bravé l'interdiction, je n'ai pas pu photographier le cénotaphe.
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