Dimanche 28 mars : La Base Alfred Faure
Ce matin, le vent de secteur sud est plutôt faible et la mer est calme. Nous quittons le bateau vers 9 heures. On ne rentrera pas avant 18 heures. Le programme est simple, ceux qui hier étaient sur la base partent à la Baie Américaine et inversement.
C'est donc notre tour d'aller à la base - une base permanente qui compte un peu moins de cinquante personnes - et beaucoup moins encore durant l'hiver austral - le temps de dire bonjour, de poser nos sacs et nous partons à pied cette fois-ci, à la Baie du Marin découvrir une autre manchotière.
Elle est située en contrebas de la base, à moins de deux kilomètres. Près de 10.000 manchots royaux occupent la plage et les alentours, sous la garde de quelques éléphants de mer, mais aussi sous la menace des pétrels géants et autres skuas qui dévorent devant nous des bébés manchots imprudents.
Nous avons beaucoup de chance car il y a des poussins à tous les stades de croissance : des tout petits poussins couvés par leurs parents, des poussins un peu plus grands et des grands poussins émancipés. Sans parler des éléphants de mer, pétrels géants et autres.
L’heure du déjeuner approche, tout le monde se retrouve à la Viecom - la Viecom, c’est le lieu de vie commune - la salle à manger, la salle détente avec le billard et le babyfoot, la salle de cinéma et la bibliothèque - devant un beau buffet ultra copieux agrémenté de fines tranches de chorizo mi-cuit de la fameuse marque de charcuterie péruvienne « Duc Loyers Dos Paver », en compagnie des très sympathiques occupants de la base.
Nous aurions aimé passer plus de temps en leur compagnie et poursuivre des échanges jugés par tous riches et intéressants.
La journée continue par la descente au Bollard, pour aller voir les albatros hurleurs, albatros fuligineux à dos clair ou encore albatros à sourcils noirs, nichés sur ses pentes ultra-ventées. Les petits s’exercent à décoller en dépliant leurs ailes qui à l'âge adulte atteindront près de 3 mètres d’envergure, il souffle un vent à décorner les bœufs.
Au retour vers la base, nous avons essuyé une averse de grêle et la remontée sera difficile avançant contre un vent de presque 50 nœuds ( un peu plus de 90 km/h ) tumultueux. On se rend compte à le voir passer au-dessus de nos têtes de la difficulté avec laquelle l’hélico effectue ses rotations pour amener les approvisionnements du bateau à la base. L’après-midi s’achève par une visite à la gérance postale avant de retourner à la Viecom et comme le vent a forci dans l’après-midi, notre retour à bord sera retardé, il faudra attendre qu'il se calme un peu.
Lundi 29 mars
Une grosse houle empêche la fin des opérations de livraison du gasoil. Il n’est pas possible non plus de décharger du matériel par voie maritime. Tout devra donc se faire par les airs…. enfin pour ce qu’il est possible de faire ! Il était prévu que nous allions à terre vers 10 heures pour une randonnée jusqu’au sommet du Branca. Compte tenu de la météo, onze d’entre nous préfèrent rester à bord.
Vers 9 heures, le vent devient trop fort et le pilote de l’hélicoptère est contraint de s’arrêter. Les quelques courageux qui étaient prêts à affronter le vent attendent patiemment dans la coursive la reprise des vols. Curieusement, c’est d’une toute petite voix que l’OPEA nous annonce « on laisse tomber ». La météo est trop mauvaise, on ne sait pas comment ça va évoluer. Tout le monde reste à bord, il y a déjà bien assez de personnes à terre à récupérer dans la journée au cours des rares accalmies.
Pour nous occuper, Luc et Sandra nous proposent un documentaire sur les orques qui compare différentes troupes dans le monde et les techniques de chasse qu’elles ont pu développer. Normalement nous aurions dû en apercevoir dans la Baie Américaine, mais elles n'étaient pas au rendez-vous. Luc nous parle ensuite des chats de Kerguelen et du programme de suivi de la population en cours. Il sait de quoi il parle, il a lui-même hiverné à Kerguelen sur ce programme en 2003.
Le vent est si fort que l'eau des cascades remonte vers le ciel. Il parait que c’est très fréquent ici ! L’après-midi ne permettra pas de « faire le gasoil » ni de terminer le déchargement du matériel et des vivres. Le départ prévu ce soir pour Kerguelen est donc repoussé à demain. En fin de journée, le personnel à terre est remonté à bord, à l’exception des hivernants qui doivent repartir en métropole et qui passeront une dernière nuit sur « leur » district.
L’ambiance est étrange, entre la tension d’une opération difficile et le bonheur de la découverte de ces lieux si particuliers…. Quelle sera la météo de demain ? Pourrons-nous finir de livrer le gasoil ? Le bateau se décalera-t-il vers Pointe Basse ?
Mardi 30 mars : la loi de Murphy
La journée commence mal, la météo est mauvaise. Une première tentative de mise à l’eau de la manche à gasoil échoue à cause du courant qui la repousse vers le navire… La brume quant à elle ne permet pas à l’hélicoptère de voler…
Une seconde tentative aura lieu en fin de matinée, mais au bout de plusieurs heures et de nombreux problèmes techniques, l’idée de livrer davantage de gasoil à la base est définitivement abandonnée. L’hélicoptère quant à lui vole par intermittence quand la brume se lève et que le vent se calme.
Pendant ce temps, nous nous occupons comme nous pouvons. Certains ne quittent pas la passerelle et suivent tous les aléas de cette logistique si particulière ; d’autres font du sport, lisent ou trient leurs photos… Dans notre groupe, Rémi donne des cours d'informatique à Didier. Et puis, comme tous les jours, il y a les documentaires et les présentations : aujourd’hui une présentation sur la toponymie à Kerguelen et un excellent documentaire sur les éléphants de mer.
En fin d’après midi, les hivernants et les « campagnards » d’été qui rentrent de Crozet montent à bord. Le temps de mettre un peu d’ordre dans les cales, de rentrer et d’arrimer l’hélicoptère dans son hangar, la nuit tombe. Le commandant donne l’ordre de virer, la corne de brume retentit, au revoir Crozet et ses habitants temporaires…
Écrit devant l'île de la Possession ( Crozet ) le 29 mars 2010
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Je vous invite à regarder le montage audiovisuel ( 4,11 minutes ) ci-dessous
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