Découverte en 1501 par Joao Da Nova Castelia, l'île de l'Ascension a été habitée à compter de 1815 lorsque fut installée une garnison pour empêcher qu'une flotte française ne vienne délivrer Napoléon emprisonné à Sainte Hélène ! Plus tard, elle devint un relais de la Eastern Telegraph Company puis de Cable & Wireless dans ses liaisons avec le Brésil ou l’Afrique de l’Ouest.
En 1941 la RAF et l’USAF y ont installé une base. Ascension reste inhabitée du moins par des sédentaires, les seuls travailleurs sont des temporaires ( 8°S – 14°20W ).
L’île de l’Ascension est pour le moins étrange : une terre noire comme le charbon, des roches aux arêtes vives mais légères comme de la mousse fossilisée, des plateaux de lave basaltique, nus et ondoyants, des montagnes tirées au cordeau qui révèlent cent nuances différentes : jaunes, violettes, cendrées, roses, ocres, blanches. Un paysage intense et aride. Sur ce récif volcanique, isolé au milieu de l’Atlantique loin de toute autre terre habitée, le soleil est impitoyable. L’île de l’Ascension est un lieu inhospitalier, un peu fantasmagorique, à la géographie extraterrestre.
Lundi 7 avril ( J30 ) Georgetown
Réveil à 6 heures 30 avec un ciel immuablement bleu, une température de 25° déjà, le bateau est mouillé devant la petite ville. Cinq voiliers au mouillage.
Il n’y a pas de port à Ascension. À 8 heures, nous débarquons en zodiac à Georgetown la minuscule capitale, le Prof. Molchanov restant ancré face à la côte. Il y a un point d’amarrage, des escaliers et une jetée en ciment, mais en raison de la marée, il faut se tirer sur de gros cordages, c'est sportif et amusant !
La ville entière semble déserte et à l’abandon : quelques constructions coloniales en pierre, des habitations bon marché des travailleurs venus de l'île de Sainte-Hélène, une toute petite rue commerçante, une pimpante église Saint Mary blanchie à la chaux, des restes de barques et de la ferraille aux abords du débarcadère…
On nous avait cependant organisé un Island Tour : 300 mètres à pied et visite du musée, petit musée sympa sur l’histoire de l’île, sur les moyens de communication avec Londres au fil du temps, des photographies diverses de généreux donateurs. Puis, des minibus nous ont emmenés quelques centaines de mètres plus loin sur la place principale.
Passage au minimarket où beaucoup ont acheté des canettes de bière ou de coca-cola. Passage à la Post Mail où il était possible d’acquérir des timbres de collection et des enveloppes Premier Jour, certes, mais pas de cartes postales.
Ensuite, les minibus nous ont emmenés reconnaître une petite plage voisine où les tortues viennent pondre la nuit ( nous y reviendrons ce soir ), puis direction l’un des camps militaires ; il y en a un de l’US Air Force et un autre de la RAF.
Ajoutons-y un ou deux lotissements pour des civils travaillant sur le suivi des satellites lancés de Kourou ou de Cap Canaveral ; nous y avons trouvé un second minimarket tout aussi assailli par la foule à la recherche de boissons. Il faut dire que la chaleur est pénible bien que, heureusement, il souffle un alizé assez costaud qui rafraîchit quelque peu.
Direction un autre camp où nous avons déjeuné avec un buffet froid. Jeu de quilles dehors qui a occupé quelques-uns avant qu’on ne reprenne les bus pour grimper une petite route extrêmement raide – l’un des bus y a laissé son moteur – pour arriver au Green Mountain National Park, le point le plus haut et curieusement très vert de l'île de l’Ascension.
On y trouve un étrange réceptacle pour recueilli l'eau de pluie, une eau qui fait cruellement défaut sur Ascension Island. Jolie vue sur l’île et retour vers le bateau à 16 heures. Long parcours en zodiac dans le clapot.
Après un dîner servi à 18 heures 30, le programme du jour prévoyait pour ceux qui le souhaitait d’aller voir la ponte des tortues de mer. Dans le noir, les matelots russes se sont fait plaisir à piloter les zodiacs à fond la caisse. Sensation !
Puis, en compagnie des scientifiques qui étudient le sujet, nous sommes allés dans leur laboratoire où une présentation nous a été faite sur écran, et de là, nous sommes partis vers la plage car ce qui fait vraiment la réputation d’Ascension, ce sont ses tortues.
Les tortues vertes ( cheloniae mydas ) se rendent sur l’île de décembre à mai, seules les femelles montent sur les plages pour pondre dans des trous creusés dans le sable.
Assister à la ponte d’une de ces géantes des mers venues de la préhistoire, sous le scintillement des étoiles, est un moment inoubliable. C’est avec la plus grande difficulté que la femelle hisse ses 400 kilos sur la plage. Elle souffle à cause de l’effort et pleure à chaudes larmes pour que ses yeux ne s’assèchent pas. Puis c’est le miracle de la vie : un par un, jusqu’à 150 œufs surgissent du cloaque, comme des balles de golf. Une heure plus tard, quand elle a fini de pondre, la tortue enfouit ses œufs dans le sable et péniblement car épuisée regagne la rive et les vagues.
Noir absolu, pas de flash ni de lampes, longue attente avant que nos gardiens aient trouvé des tortues en train de pondre. Tant qu’elles n’ont pas commencé, il ne faut pas les déranger.
Une bonne heure se passe avant qu’ils ne reviennent et nous guident avec une minuscule lampe rouge, ce qui nous permet d’y voir un peu sur cette plage aux trous profonds, restes de « nids » à tortues.
Trois tortues, à quelques mètres de la mer, une de plus d’un mètre trente de long, les deux autres d’environ un mètre. Nous sommes restés là trois bons quarts d’heure à les regarder. Retour à bord, toujours aussi excitant dans le noir.
Soixante jours plus tard, de toutes petites tortues sortent du sable. Quand on les revoit sur les côtes du Brésil où elles vivent ( 2 / 1000 seulement ont survécu ), les tortues de l’île de l’Ascension ont déjà cinq ans. Personne ne sait ce qu’elles ont pu faire entre-temps. Tout le monde, y compris les scientifiques, se demande ce qui pousse les tortues à parcourir 4.000 kilomètres pour venir pondre sur ce point minuscule de l’océan. Quoi qu’il en soit, ce long voyage est si ancré dans leur mémoire génétique qu’elles l’entreprennent sans nourriture, faisant surface pour respirer toutes les dix minutes, à la merci des tempêtes et des vagues, jusqu’à la plage de l’île qui les a vues naître. Encore un mystère de l’île de l’Ascension…
[1] Les photos des tortues ont été prises à l'occasion d'un second passage au petit matin suivant par mon compagnon de cabine Bob Mossel.
Écrit devant Ascension Isl. le 8 avril 2008
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