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Photo du rédacteurChristian B.

Trois « transats » Cap à l’Ouest #1

Dernière mise à jour : 24 févr. 2023

Fin 2005, je étais rentré de ma traversée de l'Atlantique sur Pen Duick VI des Îles du Cap Vert à Rio de Janeiro, tellement emballé que je ne rêvais plus que de refaire une nouvelle grande traversée océanique. D'autant que j'allais avoir bientôt du temps puisque la retraite se profilait pour fin juin 2006...

En Février, profitant de mes derniers congés, je suis allé naviguer en Afrique du Sud avec des amis du Groupe International de Croisières et dès mon retour j'ai commencé à chercher un embarquement pour l'automne ou l'année suivante. J'étais inscrit à l'association Sail The World ( STW ), une association qui regroupe des tourdumondistes et des navigateurs au long cours aussi me suis-je mis à consulter régulièrement la « bourse des équipiers ».

J'ai ainsi trouvé un embarquement sur le voilier d'une américaine pour une traversée d'Hawaï à Tahiti, tous frais payés y compris le billet d'avion. Ça m'a paru trop beau pour être honnête et je n'ai pas donné suite ( j'ai sûrement eu tort ! ). Courant Mars, nouvelle possibilité avec une traversée pour la fin de l'année de Toulon vers les Caraïbes, participation à la caisse de bord, ce qui est la règle habituelle. J'ai adressé mon CV voile au skipper, lequel m'a aussitôt donné son accord, mais quelques semaines plus tard, modifiant les conditions financières initiales il exigeait, en sus de la participation à la caisse de bord, un montant de 1.000 roros au titre d'un vague stage de formation, et au black ! Pas clean du tout ! J'ai décliné...

À l'occasion d'un des week-ends à rallonge du mois de Mai, j'ai suivi un stage d'électricité organisé par STW dans ma bonne ville de Nantes, ce qui me donnait aussi l'occasion d'aller faire la bise à papa maman. Parmi les stagiaires, Jean, belge, notaire en retraite à Chimay, marin expérimenté, venait d'acquérir un nouveau bateau, Osiris un catamaran de 42 pieds, du chantier EDEL avec lequel il projetait de rejoindre les Antilles par étapes avec deux de ses amis, mais il souhaitait aussi compléter son équipage pour la traversée de l'Atlantique des Canaries à la Guadeloupe. Nous nous sommes mis d'accord et je lui ai présenté la candidature de Didier, mon complice dans plusieurs aventures à terre ou sur l’eau. Étienne, autre stagiaire de ce stage d'électricité a complété l'équipe.

Durant l'été suivant, désormais retraité, je suis allé naviguer dans les îles Lofoten avec des amis puis dans les îles Sporades en famille, mais Jean m'adressait régulièrement des nouvelles : parti de Granville, Osiris a fait escale à Brest, puis à Vigo. L'automne l'a vu à Lisbonne puis à Madeire ; fin octobre, il est arrivé à Lanzarote dans les îles Canaries et il a enfin rejoint Las Palmas durant le mois de décembre.

Tout allait bien donc sauf que... j'ai été opéré du cœur le 31 octobre, une opération assez lourde. Mon chirurgien a pourtant donné son feu vert à ma participation à cette nouvelle transat, partant de l'idée qu'une vie de sportif devait me permettre une récupération rapide. Il convenait toutefois de prendre des précautions : pas d'efforts, pas question de wincher ou hisser les voiles, mais je pouvais tenir mes quarts...

Début décembre, Jean nous réunissait autour d'un plateau de fruits de mer au salon nautique pour que nous fassions connaissance. Nous étions quatre retraités, outre Jean, Didier et moi, Willy qui allait se révéler être un cuisinier de talent, et deux actifs Étienne, chef de clinique à l'hôpital de Provins, et Jan, chef d'entreprise en pays flamand. Rendez-vous nous était donné début janvier à Las Palmas.

♦♦♦♦

J-03 ~ Mercredi 3 janvier

Après un vol depuis Lyon, j'ai retrouvé Étienne à Madrid et nous avons voyagé ensemble vers Las Palmas où, à notre arrivée au milieu de la matinée, Jean nous attendait avec une petite voiture de location. Un peu plus tard, nous retrouvions le reste de l'équipe à bord d'Osiris. Je découvre ce joli bateau, pas bien grand ( un peu plus de 12 mètres ) mais super équipé tant pour la navigation ( système AIS, radar, téléphone satellite Iridium, etc. ) que pour la cambuse et la cuisine ( réfrigérateur, congélateur et four ) tous grands consommateurs d'énergie et donc nécessitant génératrice et large panneau solaire.

L'après-midi s'est passé en bricolages divers et en une première séance d'approvisionnement dans un supermarché avec notamment un nombre impressionnant de packs de bouteilles d'eau.

J-02 ~ Jeudi 4 janvier

Quel plaisir d'être ici sous un soleil généreux alors qu'en France, ce sont les frimas de l'hiver... L'après-midi est consacré à changer la grand voile, remplaçant l'ancienne par une nouvelle, sortie tout droit de la voilerie. Également essai et installation d'un beau gennaker tout neuf.

J-00 ~ Vendredi 5 janvier

Ce matin, deuxième séance d'approvisionnement avec, cette fois, les produits frais. Nous avons passé ensuite la seconde partie de la journée à tout mettre en place et, croyez-moi, trois à quatre semaines de vivres à caser, ça ne se fait pas en dix minutes...

J03 ~ Samedi 6 janvier

Nous quittons les pontons de la marina peu avant 7 heures alors que le soleil tente de percer entre quelques nuages. Pour rejoindre les Antilles, il nous reste 2682 milles nautiques à courir... Nous longeons la côte est de Gran Canaria, le vent est léger, il n'y a pas grand chose à faire alors on s'installe : lecture, bronzage, un peu de navigation : Osiris est équipé d'un pilote de barre automatique mais, il dispose de deux barres franches et c'est un plaisir de désactiver le pilote et barrer cette bête, si docile.

À l'approche de la nuit Jean organise les quarts. Pour cette première nuit, il fera le premier quart, ensuite ce sera mon tour, puis Didier, etc. Son organisation est d'ailleurs curieuse puisque la première heure de mon quart se fait en double avec Jean, je suis seul lors de ma deuxième heure puis je passe ma troisième heure avec Didier équipier montant. Chaque jour nous décalons pour que les mauvaises heures ne tombent pas toujours sur les mêmes !

Chaque nuit, même cérémonial, Jean me réveille, je le rejoins alors qu'il est installé devant la table à carte jetant de temps à autre un œil sur les instruments de bord, sur l'ordinateur couplé au radar signalant la proximité d'un éventuel cargo grâce au système AIS. Le plus souvent, il écoute de la musique, lui et moi sommes de la génération ABBA et je prends plaisir à réécouter les succès du groupe suédois.

Nous discutons de tout et de rien, puis son quart terminé il va se coucher me laissant seul. De temps à autre, je sors dans le cockpit jeter un coup d'œil pour voir si tout est en ordre, si le vent ne se renforce pas ou s'il ne change pas de direction. Je reviens dans le carré et plonge le nez dans un bouquin... À la fin de ma seconde heure de quart, je vais réveiller Didier et cette dernière heure se passe avec lui aussi tranquillement que les deux précédentes...

J02 ~ Dimanche 7 janvier

Au lever du jour, le vent est soutenu et on avance bon train. Mais nous avons un problème avec le générateur qui ne fonctionne pas correctement. Ce n'est pas nouveau paraît-il puisque Jean l'avait fait contrôler déjà à Brest et à Lanzarote. Très ennuyeux ça car c'est notre autonomie en énergie électrique qui s'en trouve réduite.

Il est donc décidé de rejoindre la marina de Puerto Colón sur l'île de Tenerife, une quarantaine de milles dans notre nord. Il faut naviguer au près, ça tape mais je suis surpris de constater qu'à cette allure peu propice aux catamarans, Osiris se comporte bien !

Nous atteignons Puerto Colón peu avant 11 heures. Via la capitainerie du port, rendez-vous est pris avec un électricien spécialiste bateau pour le lendemain matin. Après-midi de farniente car à Puerto Colón, horrible station balnéaire, il n'y a vraiment rien à voir. Soirée dans restaurant proche offerte par le skipper.

J03 ~ Lundi 8 janvier

À 9 heures, notre spécialiste est à bord pour le contrôle du générateur, une ou deux pièces sont changées et peu après 14 heures, nous quittons les Canaries.

Mer belle, vent léger, si léger qu'en début de soirée nous avons hissé le gennaker ( un spinnaker asymétrique ) qui sera remplacé par un foc durant la nuit, prudence oblige. La nuit sera calme, le ciel étoilé à souhait.

107 nm courus au point de 18 heures TU

J04 ~ Mardi 9 janvier

Le vent est toujours aussi léger et la journée se passera sous gennaker alors que l'équipe s'installe tranquillement dans le cockpit où règne une grande décontraction. Apéritif avant chaque repas et si tous nous donnons la main pour les préparer, c'est Willy qui se charge de la fonction de cook où il fait montre d'un talent exceptionnel !

127 nm parcourus au point de 18 heures TU

Tiens, voilà qui est curieux, nous faisons cap à l'ouest ( plus exactement ouest-quart sud-ouest ). Curieux car depuis plusieurs siècles, des générations de marins ont appris que, pour rejoindre les Caraïbes, la meilleure route de navigation consiste à longer les côtes de l'Afrique, donc faire cap au sud-ouest jusqu'à venir toucher l'archipel des îles du Cap-Vert avant de partir plein ouest, en suivant les alizés. La bible des tourdumondistes « Routes de grandes croisières » de Jimmy Cornwell, le rappelle.

Mais Jean a fait une traversée de l'Atlantique l'année précédente comme équipier sur un grand catamaran et son skipper avait fait route directe effectuant la traversée en 9 jours. On en profite pour ouvrir des paris, celui qui aura trouvé le nombre exact de jours pour notre traversée aura droit à un repas offert par les perdants. Les paris se sont étalés entre 12 et 17 jours, pour ma part, j'ai avancé 15 jours.

J05 ~ Mercredi 10 janvier

Le ciel est toujours d’azur avec sa ration de cumulus pommelés mais nous nous traînons.

153 nm parcourus au point de 18 heures TU

J06 ~ Jeudi 11 janvier

Ciel parfois couvert de nuages bas et à d’autres moments nous livrant un joli bleu d’azur, la mer est un peu plus agitée mais le vent reste faible et nous n'avançons guère.

61 nm parcourus au point de 18 heures TU

Pour passer le temps, nous installons des cannes à pêche et peu après 14 heures, Étienne et moi sortons au même moment deux superbes dorades coryphènes. Elles termineront dans la poêle en filets et cru en carpaccio.

J07 ~ Vendredi 12 janvier

Ciel bleu avec sa cohorte de cumulus pommelés si typiques des alizés. À bord, c'est toujours la décontraction, la bulle au soleil. Notre faible vitesse de progression a entraîné une nouvelle discussion sur la route prise et notre skipper convient que son choix de cap à l'ouest n'est peut-être pas le meilleur. Il modifie notre cap pour faire un bon sud-ouest, mais nous sommes maintenant un peu loin dans l'ouest pour vraiment bénéficier à plein de l'alizé, ici l'alizé est beaucoup plus inconstant et faible. Désormais, comme dit le proverbe « le vin est tiré, il faut le boire »...

73 nm parcourus au point de 18 heures TU

En fin d'après-midi, nous croisons notre premier grain, le vent monte rapidement en force et il pleut des cataractes, il y en aura bien d'autres...

J08 ~ Samedi 13 janvier

Notre cap au sud-ouest nous a permis d'accélérer un peu notre allure. Chaque jour, les matinées et débuts d'après-midis sont toujours superbes, puis les nuages commencent à arriver et les grains viennent en soirées.

À la suite d'un grain un peu plus fort, cette nuit, début de déchirure sur la grand voile, j'ai été faire de la couture.

Une bande de dauphins est venue nous saluer peu avant le repas de midi, pris assez tard, quel spectacle !

103 nm parcourus au point de 18 heures TU


Carte avec le parcours des Canaries à la Guadeloupe - détails techniques - fichier GPS [ clic ]


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