Hier, lors de mon quart de 15 heures, nous étions par 70°46 de latitude nord, soit plus au nord que Tromsø en Norvège et pourtant il m'apparaissait que l'atmosphère avait changé, nous n'étions plus dans les hautes latitudes, terminés les éclairages rasants, finis ces nappes de brume basse si caractéristiques, le ciel est maintenant plus clair, les nuages plus élevés, le soleil quoique voilé est plus présent, la température accommodante et les nuits deviennent sombres, oh ! pas bien longtemps disons de 23 heures à une heure du matin .... Le dernier iceberg rencontré remontant à 10 heures ce même jour, la veille à la glace se relâche.
Ce matin, peu avant 6 heures et la fin de mon quart, le Groenland nous a offert le plus fascinant lever de soleil auquel il m'ait jamais été donné d'assister. Comment décrire un tel festival de couleurs s'étendant sur 40° d'arc au-dessus du Groenland, du mauve à l'orange saumon en passant par toute la gamme des roses. Il aurait fallu tenter des dizaines de photos en variant les réglages de l'appareil pour conserver quelques instantanés de ce moment magique mais j'étais à la barre...
À 9 heures 30, nous sommes dans le détroit de Davies qui sépare le Groenland de l'île de Cumberland ( au sud de l'île de Baffin ) sous grand voile, yankee et trinquette, au près dans un vent faible, marchant quand même à 7 nœuds alors qu'on longe la côte du Groenland, visible à 15 milles nautiques et qui se rapproche lentement.
En début d'après-midi, lors de mon second quart de la journée, sous le soleil, pour la première fois j'ai pu ôter gants, bonnet et veste de quart, Charles a même osé le tee-shirt...
Comme les jours précédents, les fulmars boréal n'ont pas arrêté de tracer des arabesques autour du bateau et nous avons aussi aperçu quelques escadrilles de guillemots de Brunnich ainsi qu'à deux reprises, une importante bande de phoques en train de chasser.
En début de nuit, nous sommes finalement entrés dans le fjord de Sisimiut, petite ville de 5.000 et quelques habitants au sud-ouest du Groenland dont le port reste libre de glace toute l'année. Il s'en suit que les deux express côtiers, qui font le trajet le long de la côte depuis Nanortalik à la pointe sud du Groenland jusqu'à Upernavik, y font étape deux fois par semaine. La petite cité vit des produits de la mer et du tourisme.
Nous avons embouqué le Jacobs Skaer et mouillé à quelques pas de Sisimiut de l'autre côté du fjord à Manitsorssuaq après avoir couru 857 milles nautiques en six jours.
Ce matin, nous sommes bien sûr descendus à terre pour faire une balade sur les sommets alentours, pas bien élevés ici, guère plus de 200 mètres d'altitude.
Le vert de l'herbe a commencé à virer au brun, les lichens aussi, diverses espèces de champignons abondent, l'automne est bien là dans le grand nord, il faut penser à rentrer.
En attendant le zodiac pour retourner à bord, nous nous sommes attendris devant le spectacle donné par une demi-douzaine de bruants des neiges se douchant dans une flaque d'eau.
De retour à bord, le pique-nique sur le pont - on se croirait presque en Bretagne sud - sera suivi d'une belle partie de pèche et huit morues de la taille de mon bras iront améliorer les menus des jours suivants.
Carte avec le parcours du Baad Fiord à Sisimiut - détails techniques - fichier GPS [ clic ]
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